"Je suis sortie du placard."

Extrait tiré du film le monde de Narnia.

(OBJECTION ! C'était pas plutôt une armoire ?!)

Mon coming-out, ce grand moment de solitude.

> Comment réussir votre coming-out ?


S'il y a une chose que vous devez impérativement prendre en compte avant de vous lancer, c'est de bien choisir votre moment. L'idéal est d'éviter de faire comme moi. C'est à dire de choisir votre moment alors que vous êtes par exemple assis à la place du mort dans un virage de quasi 90 degrés et à 80 km/h parce que votre mère est à la bourg pour aller travailler et qu'elle doit encore vous déposer au lycée. Pourtant, vous aviez prévu votre coup ! Louper le car exprès (non, j'abuse, j'avais demandé la veille à ce qu'elle me dépose de mémoire) et préparer un discours que vous avez pris soin de potasser quasi toute la nuit. L'ennui, c'est qu'au moment de sortir votre sérénade digne des plus grands vins d'honneur, vous voilà condamné-e à balbutier un maigre : "C'tembetrait si jsortè vek une fi... ?"

Fort heureusement pour nous, nous n'avons subi aucune sortie de route ! Et aucun passant accidenté à déclarer. A la rigueur, une petite embardée mais rien comparé au bond gigantesque de mon cœur dans ma poitrine.

Si ma mère n'a pas de suite saisi l'ampleur de ma démarche, et qu'elle est restée silencieuse avec cette tête pincée que je lui connais bien lorsque quelque chose lui déplait, les choses s'étaient nettement dégradées dans la soirée. Je suis rentrée par le car, j'étais alors en couple avec cette première nana. (Celle avec qui ça n'a pas duré, j'en parle en PHASE 4). Le dîner fut glacial.

"J'ai dis à papa ce que tu m'avais dis.

-Ah, ai-je répondu (que dire d'autres… alors que j'avais passé la journée à ressasser ma déclaration du matin à la suite de laquelle je n'avais eu aucune réaction si ce n'est un 'à c'soir'

-Tu verras avec lui, on n'en a pas parlé plus.


Et voilà.

Etrangement, je n'ai pas grands souvenirs de conversations avec mon père. Je sais juste qu'il a bien mieux pris la situation au final et qu'à l'époque, il focalisait surtout sur l'extraordinaire compagnon de ma sœur ce qui m'arrangeait bien.

Quand à l'ambiance, nous avons vécu une période proche de la situation de 1950 en ex-URSS... Un jour que je pleurais abondamment (ma mère me parlait très mal) au téléphone avec ma sœur, elle m'a demandé de lui passer le combiné et elle lui a passé une soufflante. J'étais enfin soutenue un minimum.

Que vous cherchiez ou non le grand amour, votre vie sera certainement riche et bien remplie de rencontres fantastiques (et d’autres dont on se passerait bien). Je suis aujourd’hui mariée à une nana super de 17 ans mon aînée... (celle là, je vous jure que je l’avais pas vu venir.)


> Et aujourd'hui ?


Nous sommes mamans d’une adorable princesse et nous louons une petite maison à la campagne, entourée d’arbres et de petits oiseaux. Blanche-Neige passe parfois boire un café.

Une vie lambda quoi. Qu’est ce qui nous différencie d’une famille hétérosexuelle au fond ?

Voyons voir, je laisse traîner mes chaussettes sales sur le sol de la chambre parentale et ma femme me débarrasse des araignées dès que je l’appelle au secours. Je tonds la pelouse, elle fait la vaisselle, et parfois c’est l’inverse. Nous avons adopté un berger allemand, pour dissuader les voleurs. Puis un chat. Pour dissuader les rongeurs . Et enfin un Yorkshire, pour dissuader le facteur. Nous sommes finalement assez banales à bien y regarder ! Si on m’avait promis cette vie il y a quelques années, je ne l’aurais jamais cru. Je n’avais pas envie d’être marginale. Mais je vais vous dire un truc bête ! Ce côté PRIDE et fierté LGBT, je peux le comprendre. Je suis plutôt fière moi aussi d’appartenir à une minorité et je ne cesserais jamais de faire valoir mes droits et de revendiquer ma place au sein de la société.

Et au fait, au travail, ça se passe comment en tant que LGBTQ ?

« - Et ton mari, il fait quoi ?! »

Aaaah le travail. Ce monde merveilleux pour lequel la majorité des Français se lèvent chaque matin.

Que l’on aime ou non son travail, une personne LGBT aura systématiquement droit au moins une fois dans sa vie confrontée à cette fameuse personne (collègue, boss, médecine du travail…) qui ira fouiner dans sa vie privée.

Non, je n’ai pas de mari.

« Ah, tu vis seule ?

-Je n’ai pas dit ça.”

A ce stade, la personne s’imagine que vous avez des enfants, êtes divorcée ou bien que vous pensez ne plus vivre seule depuis l’adoption de votre cochon d’inde.

”Eh, je t’ai vu en ville l’autre jour avec une copine !

-C’est pas une copine.

-Bah qu’est-ce tu fous avec elle alors ?”

Réprimer son envie de lever un doigt et de préférence celui du milieu demande en général un effort surhumain. Que voulez-vous? Les pauvres n’ont pas toujours le tact qu’on attend d’eux. Ils ne sont pas non plus forcément coupables de ces situations à deux cent pour cent.

Des années de patriarcat et un modèle familial bien ancré dans l’imaginaire collectif et vous voilà pris à rougir près de la machine à café…

C’est embêtant. J’ai longtemps eu cette bouffée de chaleur et ces joues en feu à chaque question un peu trop personnelle.

Oh, mais attendez une minute, il y a mieux !

Je gérais l’aspect service et restauration à l'Ehpad public qui m’employait.

« Tiens, c’est des chipolatas ce midi, ça va pas te plaire !

-Tu as raison, j’aurais préféré des moules. Toi j’imagine que tu ne vas en revanche pas te priver. »

Ce genre de vannes bien lourdes, j’y ai régulièrement droit. C’est très intriguant car les concernant, ce n’est pas la première chose qui me vient à l’esprit. Je devrais tacler mes collègues hétérosexuels plus souvent à chaque nouvel affichage du menu.

Ce type de réflexion au travail est hélas encore trop répandu. Elles ne sont pourtant pas considérées comme de l’homophobie. Coup, insultes... oui ! Mais la gêne, le malaise ?

« Oh, ça va, c’est pour rire ! C’est une blague ! »

Comme vous pouvez le constater, il y a encore du boulot. Mais ne vous affolez pas, au bout d’un certain temps, on acquiert la répartie nécessaire. Entraînez vous chez vous devant la glace. Seul votre cochon d’Inde sera témoin. Je suis régulièrement confrontée à ces situations qui me sont devenues familières. J'en rigole même à présent avec les anciennes qui me connaissent.

"Je suis comme les autres, m*** à la fin !"

(Pinocchio)